Gilets jaunes Acte VII Guerre d’usure

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Gilets-jaunes-seins-nus-des-femmes-deguisees-en-Marianne-font-face-aux-CRS-a-ParisDécidément, rien n’y fait. Malgré le battage médiatique, la répression, le froid, les Gilets jaunes ont une nouvelle fois démonter, samedi 29 décembre, leur détermination.

Guerre d’usure

Difficile de dresser la liste exhaustive des villes, petites ou grandes, dans lesquelles les Gilets jaunes ont à nouveau manifesté : Lille, Amiens, Lyon, Saint-Etienne, Nancy, Metz, Reims, Besançon, Strasbourg, Mulhouse, Dijon, Nvers, La Charité sur Loire, Rennes, Brest, Niort, La Rochelle, Nantes, Rouen, Caen, Marseille, Avignon, Valence, Montpellier, Nîmes, Narbonne, Bordeaux, Mont de Marsan, Tarbes, Dax, Pau, Pamiers, etc… Comme samedi dernier, ils ont adopté une nouvelle tactique en réponse aux méthodes de maintien de l’ordre : la déambulation manifestante plutôt que le défilé classique ou le rassemblement fixe, devenus impossibles en raison de la technique de la « nasse » utilisée par la police. Comme à leur habitude, ils ont également perturbé les espaces dédiés à la consommation et aux flux : péages, axes routiers, centres commerciaux. Fait nouveau, certains médias ont été visés par des manifestations, notamment BFMTV et France 2.

Les images tournées à Rouen montrent l’ampleur de la mobilisation des Gilets jaunes.

Loin de dépérir, le mouvement des Gilets jaunes est entré dans une guerre d’usure de laquelle le pouvoir d’Etat n’est pas sûr de sortir vainqueur. Cette guerre s’inscrit dans un projet politique revendiqué par les Gilets jaunes : une révolution pacifique par la mise en place d’assemblées populaires. Le deuxième appel de Commercy propose ainsi d’organiser l’assemblée des assemblées. Un peu partout, de manière invisible à la presse qui se contente de rendre compte des manifestations hebdomadaires, les Gilets jaunes ont initié une véritable révolution, bien plus importante que la capacité à se mobiliser sur plus d’un mois.

 

 

 

GJ Toulouse

 

Un pouvoir absent qui s’exprime sous l’uniforme

Il est clair que le pouvoir d’Etat est aux abois. Il n’a désormais plus aucune prise sur une dynamique politique dont il est la cible. Le pouvoir d’Etat se réduit désormais à sa plus simple expression, celle des forces de l’ordre. Les images qui circulent sur les réseaux sociaux montrent que celles-ci sont en passe de perdre le contrôle. D’une part, les préfets mobilisent de plus en plus les effectifs des BAC et des commissariats. Le caractère diffus et polymorphe du mouvement des Gilets jaunes consomme beaucoup d’effectifs. D’autre part, la tactique des cortèges mobiles adoptée par les Gilets jaunes oblige les forces de l’ordre à se déplacer constamment, à agir en petits groupes, ce qui favorise les débordements et les risques d’accidents mortels. Les Gilets jaunes occupent les espaces publics, la rue, celle du centre comme de la périphérie. Un pouvoir qui s’abrite derrière sa police n’a non seulement plus de légitimité mais une durée de vie très courte.

Le pouvoir agissant uniquement sous uniforme est en passe de perdre également la bataille des symboles habilement menée par les Gilets jaunes et leurs soutiens. Deux exemples le montrent. Le premier repend la double symbolique révolutionnaire et républicaine. La crainte des pouvoirs depuis 1789-1793 a toujours été que la seconde ne ravive la première. . Les Mariannes silencieuses jusque là prennent la parole pour énoncer un principe acquis par les révolutions du XVIIIe siècle, aux Etats-Unis (1776) et en France (1789, 1793) : dès lors que le pouvoir devient tyrannique, le peuple a le droit, voire le devoir, d’entrer en insurrection.

Un second symbole vient d’une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux et qui coûtera cher au pouvoir et à sa police. Elle montre comment, à Rouen, un policier menace un journaliste à bout portant avec son flashball pour l’empêcher de filmer la manière dont les policiers passent à tabac un manifestant.  Cette vidéo pulvérise deux mythes : le « professionnalisme » de la police dont les éventuels dérapages seraient rarissimes et la liberté d’informer dont se réclame complaisamment la presse. 

Depuis le début du mouvement de larges secteurs de la société découvrent le degré de violence utilisée par les forces de l’ordre. Le bilan accusateur dressé par Amnesty international fait état de 1 407 manifestants blessés, dont 46 grièvement, depuis le début des manifestations le 17 novembre 2018. La police des polices a ouvert 48 enquêtes pour violences policières. 
Dans son communiqué du 14 décembre, Amnesty international a appelé les autorités françaises à “faire preuve de retenue lors des manifestations” et d’”éviter toute répétition des blessures causées par leur réaction extrêmement musclée aux protestations des « gilets jaunes » et des mouvements de lycéens”.

Nul doute que dans les prochaines mobilisations, la police recevra l’ordre d’empêcher les journalistes d’être au plus près des forces de l’ordre. Le pouvoir, relayé par la presse, travaille à l’invisibilité d’un mouvement social et politique inédit.

Jérôme Martin @GHS