Appel

« L’histoire exalte notre volonté de ne pas accepter que l’histoire soit écrite avant que nous ayons éprouvé sur elle la force dont nous nous sentons animés. »

Henri-Irénée Marrou, extrait de son discours lors de la séance solennelle de rentrée de l’Université de Lyon, novembre 1942.

« Le temps des révolutions est-il revenu ? Il y avait longtemps que le monde n’en avait pas connu de véritable, où le réel côtoie un moment l’utopie pour affirmer le renversement d’un ordre qui semblait immuable. »

Sophie Bessis, extrait de son introduction à La double impasse, L’universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux et marchand, La Découverte, 2014, p. 9

Agir pour un vote utile de transformation sociale

Depuis plus de quarante ans, la France et l’Europe se sont enfoncées dans une « crise » sans fin, entraînant la relégation d’un nombre croissant de salariés et de territoires. Depuis quatre décennies, un chômage de masse s’est installé, tandis que les politiques n’ont cessé de rogner l’État social et que les inégalités et les discriminations se sont creusées. Quarante années de chômage de masse, d’abandon de territoires entiers, de dénonciation rituelle du coût du travail, de destruction des conquêtes sociales au nom de la modernité libérale, de stigmatisation de l’Autre (social, culturel ou religieux).

Nous n’en pouvons plus de ces choix ruineux et des désespoirs qu’ils produisent. Nous n’en pouvons plus de cette xénophobie d’État, de cette lâcheté consistant à s’en prendre toujours d’abord aux travailleurs, aux pauvres, aux immigrés ou aux réfugiés tout en continuant de protéger les puissants et les nantis.

Tout le monde en est d’accord, l’élection présidentielle de mai 2017 s’annonce déterminante. Pourtant beaucoup acceptent d’entrer dans des calculs stériles sur le moins pire des scénarios allant jusqu’à espérer la victoire d’un Alain Juppé ripoliné en modéré, tandis que d’autres spéculent sur la candidature Macron repeint en « modernisateur » ou sur les primaires du PS présentées comme garantes de l’illusoire unité d’une gauche perdue. De fait, l’électorat est déboussolé par un champ politique en ruines après 5 ans où le PS a disposé de tous les pouvoirs. Comme lors de la mandature 1997-2002, la majorité électorale qui a mené le PS au pouvoir a été battue en brèche par les politiques libérales qu’il a mises en œuvre.

Nous n’en voulons plus de ces reniements sempiternels, qui nous imposent toujours davantage de libéralisme et font le jeu des puissants et de l’extrême droite, toujours hideuse et haineuse. Nous n’en pouvons plus de ce parti « socialiste » et n’oublions rien de ces dernières années : l’étranglement financier de la Grèce en révolte, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et l’EPR de Flamanville, les lois Macron et El Khomry, les syndicalistes de Goodyear ou d’Air France traînés au tribunal, le projet de déchéance de la nationalité, les morts de Rémi Fraisse et d’Adama Traoré, les contre-réformes du collège, les lois Fioraso qui ne cessent de détruire l’Université, l’alignement sur la politique américaine, les rodomontades qui finissent en pantalonnades, et tant de ministres ridicules et odieux qui prolongent un état d’urgence aussi inefficace que liberticide.

D’alternance en alternance sans alternatives aux politiques néolibérales, d’atermoiements en renoncements et en petits calculs, le danger d’une démobilisation générale menace alors que nombre de nos concitoyens sont séduits par différentes formes de sécession : des différents replis communautaires jusqu’aux ruptures par le recours à la violence xénophobe ou djihadiste. Pour le moment, nous constatons qu’au-delà de la dispersion et de la division régnant dans les milieux acquis à la lutte et à la résistance, dominent la faiblesse relative des mobilisations sociales et le nombre trop important de ceux qui sont et restent éloignés de la politique et de ses enjeux.

Que faire ?

Pouvons-nous rester inertes face à la progression de l’ultra-droite, au risque de laisser les sociaux-libéraux ou les néo-libéraux en position de poursuivre leur entreprise de dislocation de toutes les formes de société solidaire, de destruction de tous les héritages de deux siècles de conquêtes sociales et progressistes, et d’effacement des valeurs d’égalité et de justice ? Pouvons-nous rester inertes face à la « double impasse » des fondamentalismes religieux et marchand qui crédibilise les dérives autoritaristes en Europe, sur le continent américain et, en France, à gauche comme à droite ?

Dans le passé déjà, la France a connu des périodes où l’urgence historique semblait ainsi s’imposer ; dans certains cas, réaction, riposte et résilience ont prévalu ; dans d’autres, ce fut au contraire l’aveuglement, l’impuissance et le désespoir qui l’emportèrent.

Nous vivons une époque décisive de ce type. Nous pensons que, pour la France, les mois qui viennent seront déterminants. Nous pensons que cette campagne de 2017 doit nous permettre de sortir de l’isolement, de nous situer dans des perspectives collectives, de réfléchir ensemble aux transformations politiques et sociales indispensables, et d’assurer ensemble, dans la confrontation des identités qui nous façonnent, le nécessaire rassemblement de toutes les forces de progrès.

Aussi, parce qu’elle nous paraît offrir un levier dans ces perspectives, les animateurs du Groupe d’Histoire Sociale (GHS) – association éditrice de la revue Histoire & Sociétés – ont-ils décidé de se constituer en groupe de soutien de la candidature de Jean-Luc Mélenchon.

Respirer, réapprendre la politique, se réinventer un projet ; en bref, revivre. Non s’en remettre à un homme providentiel, mais choisir une voie nouvelle, audacieuse et déterminée, émancipatrice toujours : repartir de la Sociale et de la question écologique, nouer ces deux questions pour faire levier et construire une autre société.

Cette voie doit prendre racine, circuler et contribuer à inventer un nouvel internationalisme. Voilà pourquoi nous nous adressons à tous ceux — amis, collègues de travail, voisins — qui ont en commun des combats et des engagements et qui veulent s’inscrire dans une action collective politique.

D’ores et déjà, nous proposons une série de réunions thématiques d’appartement qui débouchera, en mars 2017, sur un meeting.

Un blog sur le site de Mediapart, une page Facebook (GHS18) et un fil Tweeter (#GHS7518) permettront l’expression du groupe.

Dominique Assayag

Pascal Burési

François Guedj

Jérôme Martin

Michel Pinault

Xavier Vigna