Hamon et l’éducation: un projet sans ambition

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1-ucdesigninnoLes électeurs de gauche, et notamment les enseignants, peuvent-ils lire dans les propositions de Hamon en matière d’éducation de quoi répondre à leurs aspirations ? Ces propositions sont-elles à même de répondre aux problèmes auxquels le système éducatif est confronté ?

Hamon, héritier de la politique éducative des gouvernements Hollande

En bon petit soldat, Hamon s’inscrit dans les réformes menées par les gouvernements Hollande. La loi sur la « Refondation de l’école » est le nouveau totem.

La réforme de l’école primaire et les nouveaux rythmes scolaires sont maintenus. Cependant, les créations de postes promises par Hollande en 2012 n’ont pas été au niveau des annonces. Hamon prévoit ainsi 40 000 enseignants supplémentaires dont la moitié pour limiter les effectifs au primaire, notamment au cycle 2 et en REP.

Notons des impasses criantes: rien sur l’enseignement secondaire, rien l’enseignement professionnel et technique. A côté de l’annonce de créations de postes, soulignons que Hamon prévoit d’inclure dans le services des enseignants l’encadrement du «  service public du soutien scolaire ».

Entrons dans le détail des propositions du candidat PS.

Un service public d’orientation scolaire qui valorise toutes les réussites

Je mettrai en place un service public de l’orientation scolaire qui valorise de la même manière toutes les formes de réussite, les filières générales comme les filières professionnelles ou techniques et qui garantisse l’accès aux voies d’excellence pour tous et toutes. Les discriminations à l’orientation, fondées sur des préjugés et parfois de l’autocensure, doivent disparaître. Un nouveau mode d’affectation en classe de troisième devra être créé pour lutte contre les inégalités.

Analyse: C’est sans doute une des propositions les plus étonnantes. D’abord parce que les gouvernements Hollande, et Benoit Hamon lui-même comme ministre, auraient très bien pu la mettre en oeuvre à la faveur du désengagement des départements dans le financement du réseau des CIO. En 5 ans de mandat Hollande, ce réseau aura été considérablement réduit. Hamon affirme que « les discriminations à l’orientation, fondées sur des préjugés et parfois de l’autocensure, doivent disparaître », fort bien, mais comment ? S’agit-il détendre l’idée d’une orientation laissée au total libre choix des élèves et des familles dont les effets se révèlent problématiques ? Et par qui cette orientation sera-t-elle menée ? Des personnels compétents comme les conseillers d’orientation-psychologues ? ou par les enseignants ? En fait, on a l’impression que pour Hamon, il existe 2 sortes d’orientation, l’une pour le secondaire qui consisterait à laisser aux élèves le libre choix au nom de la lutte contre les inégalités; l’autre pour le supérieur qui consisterait à mieux contrôler les flux d’étudiants.  Finalement, c’est par une réforme de l’affectation que Hamon semble vouloir agir.

Plus de mixité sociale à l’école

Je rebâtirai une carte scolaire pour développer la mixité sociale et scolaire sur tout le territoire. La diversité des niveaux scolaires et des milieux sociaux d’origine sont des facteurs essentiels pour la réussite des élèves défavorisés et pour la cohésion nationale. Cette politique sera axée sur la sectorisation, l’affectation et une contractualisation avec l’enseignement privé pour qu’il participe à l’effort de mixité sociale.

Analyse: On connait l’ampleur de l’évitement scolaire (à Paris, on estime que 30% des élèves d’une classe d’âge du secondaire sont dans le privé) et son impact sur le fonctionnement du système scolaire. C’est un levier sans lequel il est difficile d’accroître la mixité scolaire et scolaire dans le système scolaire. Après 5 ans de mandat, le bilan du PS sur ce point est maigre. Hamon propose de  « contractualisation avec l’enseignement privé ». Sur quoi ? A quelle condition ? Sans doute faudrait-il aller plus loin et limiter les créations de places dans le privé.

Amélioration des conditions de travail des professeurs

Je poursuivrai la revalorisation des conditions de travail des enseignants : salaires, première affectation, gestion des carrières, amélioration de la formation initiale et de la formation continue. J’associerai les enseignants à la prise de décision par un management plus horizontal, par la création de collectifs de travail, et par la prise en compte de leurs responsabilités au sein des écoles, collèges et lycées. Enfin, je renforcerai le rôle de la médecine du travail au sein de l’Éducation nationale pour agir contre la souffrance au travail.

Analyse: Sans surprise, Hamon promet des augmentations de salaire aux personnels enseignants. Il en faudra beaucoup pour compenser la perte de pouvoir d’achat liée au blocage du point d’indice que Hollande a prolongé et que la « revalorisation » annoncée à renfort de communication par la ministre actuelle ne risque pas de corriger. On aimerait toutefois savoir quelle est sa position sur le fameux PPCR, imposée par la ministre Vallaud-Balkacem malgré l’opposition de la majorité des organisation syndicales de l’éducation nationale. 

L’annonce d’une réforme vers un « management plus horizontal » est doublement comique: d’une part, parce que Hamon s’accommode de l’entrée du management dans la gestion des personnels de l’éducation nationale, mais, d’autre part, parce que précisément le PPCR a officialisé des pratiques d’évaluation directement inspirées du management utilisées dans le privé, la gestion compétences.

Seul point positif, la référence à la médecine du travail. Pour autant, on voit mal comment les propositions de Hamon pourrait lutter contre la « souffrance au travail ». Mieux vaudrait parler d’ailleurs de risques psycho-sociaux  auxquels les enseignants sont très exposés, pour dire à M. Hamon que c’est l’organisation du travail (lourdeur des effectifs, climat scolaire, hiérarchie) qu’il faudrait changer. Que propose Hamon pour réduire les effectifs particulièrement lourds dans le primaire des zones urbaines et les enseignements de tronc commun dans le secondaire (hors éducation prioritaire).

Création d’un service public du soutien scolaire

Je mettrai en place un service public du soutien scolaire pour donner à tous les élèves les mêmes chances de réussir à l’école. Il faut inclure dans le temps scolaire des élèves le travail personnel et les devoirs qui, aujourd’hui, sont à faire à la maison. L’école et le collège doivent organiser en leur sein l’accompagnement des élèves pour que l’aide aux devoirs soit directement liée au travail fait en classe. Cet accompagnement doit être pris en charge par des enseignants.

Analyse: On le sait, le « service public du soutien scolaire » est la proposition phare de Hamon. A première vue, elle est sympathique, voire même pertinente. Malheureusement, sa déclinaison est inquiétante. D’abord, parce qu’elle implique une refonte du temps scolaire, donc un redécoupage de temps consacré à tel ou tel enseignement, mai aussi aux emplois du temps et enfin aux locaux. Hamon prévoit que cet « accompagnement doit être pris en charge par des enseignants », autrement dit qu’il sera intérgé à leur service. Ca tombe bien puisque Hamon, comme ministre de l’éducation, à imposé la refonte des services des enseignants qui sont désormais très larges.

L’enseignement supérieur: gérer les flux d’étudiants  sans réformer les structures

Une meilleure orientation dans le supérieur

Je réinventerai l’orientation dans le supérieur pour mettre fin au double phénomène des amphithéâtres surchargés et des décrochages en licence. En parallèle d’un grand plan de recrutement de professeurs agrégés, je mettrai en place des conseils d’orientation post-bac pour les étudiants non admis dans les filières de leur choix afin d’éviter qu’ils ne se retrouvent en licence générale par défaut. Nous devons également veiller aux continuités et synergies entre lycées et enseignement supérieur, ce qui passe notamment par une réforme du premier cycle universitaire avec un tronc commun d’enseignement.

Analyse: Visiblement le staff de Hamon s’est tourné vers les experts, France Stratégie ou Terra Nova, relais de la 2ème gauche dans les milieux politiques et intellectuels.  Face à l’augmentation des effectifs dans les Universités et au manque criant de personnels enseignants pour assurer la réussite des étudiants, Benoit Hamon annonce en toute modestie « réinventer » l’orientation. Il s’agit de prolonger le secondaire en licence (1ère, 2ème ou les 3 années ?). Il s’agit surtout de faire du premier cycle universitaire une gare de triage par des « conseils d’orientation post-bac » pour détourner certains bacheliers des filières générales. 

A aucun moment le bac n’est évoqué. Oubli ? Pas sûr. Peut-être est-ce le véritable projet déjà largement écrit par des comme Terra Nova très proche du PS.

Droit universel à la formation tout au long de la vie

Je donnerai corps à un droit universel à la formation tout au long de la vie. Cela passe par un rapprochement entre la formation continue et la formation initiale ainsi que par une meilleure prise en compte des certifications et qualifications obtenues à l’issue des formations. Les universités et écoles seront amenées à devenir les principaux acteurs de la formation continue, ce qui suppose d’investir dans l’ingénierie pédagogique et dans la promotion de cette offre nouvelle.

Analyse: Voilà le nouveau sésame des socialistes qui serait l’arme absolue contre le chômage, la formation tout au long de la vie. ce droit est déjà largement développé dans la législation (loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social; loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie; loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale). Que signifie « universaliser » ? Une prise en charge par l’Etat ? Une généralisation à l’ensemble des actifs ? On aimerait également savoir en quoi consisterait un « rapprochement entre la formation continue et la formation initiale » ? S’agit-il de rapprocher les acteurs ? S’agit-il de modifier la formation initiale, donc les diplômes délivrés par l’éducation nationale et l’université ? Le projet Hamon répond en partie en affirmant qu’universités et écoles (?) seront « les principaux acteurs de la formation continue ». On entrevoit finalement un dispositif de formation continue régionalisé qui ne dit rien des vrais enjeux qui se jouent avant tout au niveau V et IV de qualification

Valorisation de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

Je revaloriserai la carrière des enseignants-chercheurs qui sont au cœur de l’économie de la connaissance. L’entrée dans la carrière est peu attractive alors que les moyens de la recherche sont limités. Il faut améliorer les rémunérations et assurer le renouvellement des générations d’enseignants-chercheurs et de chercheurs. Aussi, je pérenniserai le recrutement de plusieurs milliers d’emplois dans l’enseignement supérieur et la recherche. Enfin, l’université s’engagera pleinement dans la transition numérique grâce à un fonds spécialement dédié, rattaché au PIA III et abondé par les régions.

Analyse: Comme sur de nombreux thèmes, le candidat du PS fait mine d’ignorer que la majorité dont il est issu a bloqué les salaires des personnels su supérieur. Hamon promet revalorisation de carrière et créations de postes. Les promesses n’engagent que ceux qui les croient. Au passage, Hamon reprend à son compte le Programme d’Investissements d’Avenir (PIA III), financé par le grand emprunt mais en ajoutant un financement régional. Autrement dit, la régions auront un peu plus la main sur les Universités.

L’Université au cœur de la méritocratie républicaine

Je remettrai l’enseignement supérieur au cœur de l’ascension sociale. Son budget sera augmenté d’1 milliard d’euros pour un développement des universités sur les territoires qui soit plus équilibré et pour que chacune et chacun ait accès à un enseignement supérieur de qualité. A ce titre, je veux consacrer autant de moyens aux étudiants des universités qu’aux étudiants des grandes écoles, dans le cadre des COMUE. Je mettrai également en place une politique d’aide à la mobilité des étudiants, notamment en assurant la construction et la réhabilitation de 50 000 logements étudiants sur la mandature.

Analyse: Hamon semble vouloir sortir l’Université de ses difficultés. Fort bien. Cependant, a l’exception d’un énième plan de construction de logements étudiants, il ne dit rien sur le bilan des lois (Pécresse, Fiorasso) dont les universitaires disent le plus grand mal. Il semble même vouloir renforcer le rôle des COMUE dont le développement met à mal les universités.  Beau slogan que celui d’une « Université au cœur de la méritocratie républicaine ». Malheureusement, Hamon ne dit rien sur la dualité de l’enseignement supérieur français : d’un côté, le système sélectif des grandes écoles, auquel s’ajoute la galaxie des écoles d’ingénieurs et de commerce; de l’autre, l’Université à laquelle incombe la tâche de faire réussir tous les bacheliers. Autrement dit, les élites pourront tranquillement continuer à se reproduire.